ÉTUDES DE CROISEMENTS
ÉVANGELINA BLUE - GALA TÉJY - GUILLERMO SPORT, UN TRIO DE « RETOURS SUR SOUCHES » AU SOMMET EN 2019
Ils sont dix-huit Trotteurs Français à avoir décroché au moins un titre de Groupe I au cours de l’année 2019. Parmi eux, Évangelina Blue, Gala Téjy et Guillermo Sport se singularisent par leur pedigree construit sur un retour sur souche maternelle. Un type de croisement original qui a donc enregistré une réussite groupée exceptionnelle au top niveau et dont les plus beaux exemples méritent d’être recensés.
Le retour sur souche, voire plus largement sur famille maternelle, est un genre de mariage éprouvé depuis plusieurs décennies. Fameux éleveur du début de l’ère moderne du trotting, Léon Lebourgeois réalise un inbreeding 4 x 5 sa jument base Couture, via ses premières brillantes relayeuses de filles que sont Naïve Étoile et Oh ! Pérette. Le Calvadosien présente ainsi son champion Luth Grandchamp (Critériums des Jeunes et des 3 Ans), petit-fils de l’aînée, à Maïa Grandchamp, arrière-petite-fille de la cadette par l’entremise d’Altesse de Grandchamp, la génitrice du talentueux Nicias Grandchamp (Critériums des 3 Ans et des 5 Ans). Au printemps 1961 vient au monde Rex Grandchamp, lequel vaincra au niveau semi-classique et s’octroiera le second accessit des Critériums des 4 et 5 Ans enlevés par la future légende Roquépine.
Étincelante carrière
Nouvelle réussite au sommet du type de croisement évoqué avec un certain Bill D, lequel montre le bout de son nez en 1967, chez Mme André Dreux, en Mayenne. Alezan comme son père Kerjacques, Bill D a pour mère Darling, qui, comme le déjà réputé reproducteur et futur chef de race, descend de la jument base Herminie (1852), fille de Wildfire, trotteur gris par le Hackney anglais Norfolk Phenomenon et une poulinière pur sang. Toujours est-il, qu’à l’image de son très marquant géniteur, Bill D s’adjugera le Critérium des 5 Ans (devant Buffet II et Bellino II) après avoir déjà remporté le Critérium des 3 Ans. Et son palmarès s’orne aussi du Grand Prix d’Aby, de six Semi-classiques et d’une dizaine d’accessits de prestige dont une deuxième place dans le Prix de Paris, intercalé entre Tony M et Véronique R. Une étincelante carrière effectuée sous la coupe de son driver, André-Louis Dreux.
ÉVANGELINA BLUE - Dimanche 10 Février 2019 - Vincennes
PRIX DES CENTAURES - G1
Jockey : Mathieu MOTTIER - Ent. - Prop. : Jean-Philippe MARY
Les années 80 délivrent un nouveau compétiteur de grande classe engendré par deux parents de même lignée basse : Perrin Dandin. Confié à Bernard Oger par son entraîneur Léopold Verroken, l’éclectique cheval d’Alec Weisweiller se montrera le plus fort dans le Saint-Léger des Trotteurs 1984 et, la saison suivante, dans le Prix de Sélection, aux dépens de Passionnant et Ourasi. Le tableau généalogique de Perrin Dandin, fils de Grape Fruit et de Hello Filly, par Tabriz, révèle très exactement une consanguinité 7 x 7 sur Plume au Vent (1893), jument base d’une souche s’enorgueillissant aussi du nom de Bellino II et se rattachant à la famille maternelle de Bailliette, celle également où se fixe la formidable souche « de Vandel » initiée par Queifingusse. Dans la seconde moitié de la décennie, un autre élément de valeur né du même concept se distingue : Timonier. Élevé par Georges Fournier, managé une grande partie de sa carrière par Jean-Pierre Dubois, ce fils de Jiosco et de Lanira est inbred sur la jument base Laura Logan, américaine née en 1868 et aïeule aussi entre autres de la poule aux œufs d’or Ua Uka. Tout en étant privé de ses attributs, Timonier accroche à son tableau de chasse plusieurs Internationaux et fournit l’excellent dauphin d’Ursulo de Crouay dans le Grand Prix de la Fédération Régionale du Nord, alors classifié Groupe I.
Puis arrivent les « Nineteen » au cours desquelles le « souche sur souche » atteint encore, mais en dehors de la victoire, la plus glorieuse sphère du programme. Ainsi, inbred 4 x 5 sur Justice, une immense matrone des Rouges Terres, Draga fait deux fois l’arrivée du Prix René Ballière et épingle les Groupes II Prix Jamin, Kerjacques, du Bourbonnais et Clôture du Grand National du Trot, sous la houlette de Michel Lenoir. Inbred 7 x 5 sur Olivette, fille d’un des meilleurs trotteurs de la fin du XIXe siècle, Trinqueur, propriété également de la famille Olry, Flambeau des Pins rivalise lui aussi avec le gratin. En témoignent ses premiers accessits, à 10 ans, dans le Prix de Cornulier derrière Joyau d’Amour, dans le Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur derrière le suédois Gigant Neo, et dans l’Olympiatravet apanage du scandinave Gidde Palema. Ainsi la même saison que son deuxième succès consécutif acquis à Solvalla dans le Groupe II Harper Hanovers Lopp.
Le bel accord de Fa Mi Sol avec elle-même
Le siècle nouveau est là et les lignées mâles Standardbred « asphyxient » une à une leurs homologues tricolores, celle comptant le quatuor Carioca II – Sabi Pas – Fakir du Vivier – Coktail Jet résistant encore, ainsi que celle, moins conséquente, de Quadrophénio – Orlando Vici. Mais leur union globalement ultra-performante avec les nouveaux gènes yankee (y compris ceux apportés en masse par la génitrice de Coktail Jet), n’empêche pas nos souches historiques d’apprécier un retour sur elles-mêmes. La preuve au firmament du trotting en sera faite via Quaro dont le père Kiwi (dont il est le produit le plus huppé) et la génitrice Encombevineuse, une fille de Workaholic exceptionnelle reproductrice de trois lauréats de Groupe I (auteure aussi de Kinder Jet et Avila), ont tous les deux comme huitième mère Tosca V, fille de Virois et de la phénoménale jument base qu’est Fa Mi Sol. Une Fa Mi Sol aïeule également, parmi tant d’autres performeurs très haut de gamme, des Ovidius Naso, Champenoise, Gobernador, Prince Gédé, Vanika du Ruel. Mais aussi en particulier des vainqueurs de Groupe II que sont Idalo et Véloce de Banney. Avec pour l’aîné, meilleur fils d’Ursis, un pedigree dévoilant une consanguinité 5 x 4 sur Nab D’Ha, arrière-petite-fille de… Fa Mi Sol, et pour le cadet un retour sur la précitée via… Quaro (dont il est le produit le plus riche) et Jiva du Banney, une descendante de Roxane V, celle-ci étant une propre sœur de Tosca V ! Un joli trio Idalo – Quaro – Véloce du Banney magnifiant donc l’accord de Fa Mi Sol avec elle-même.
GALA TEJY - Dimanche 23 Juin 2019 - Vincennes
PRIX D'ESSAI - G1
Jockey : Paul-Philippe PLOQUIN - Ent. :Christophe CHALON - Prop. : ECURIE CHALON
Puis Clairefontaine, une gagnante du Prix Gélinotte inbred sur Justice (petite-fille de la fameuse Lady Pierce, l’aïeule notamment de l’immense matrone Dourga II, d’Ourasi et de Draft Life), et Dhikti Védaquais (voir encadré) prouveront à leur tour l’intérêt du challenge « souche sur souche » avant l’avènement, en 2019, de Évangelina Blue, Gala Téjy et Guillermo Sport.
Curiosité relancée
C’est l’aînée qui, dans la foulée d’un Groupe III et d’un Groupe II, relance la curiosité des amateurs d’origines. Le 10 février, la jument de Catherine et Jean-Philippe Mary, montée par leur neveu Mathieu Mottier, précède avec un réel brio, dans le Prix des Centaures, un consistant duo de 4 ans formé de Fado du Chêne et Feeling Cash. L’augure d’une saison quasiment sans fausse note de la part de la fille du vainqueur du Critérium des 4 Ans 2010 Speedy Blue et de son apparentée Happy Blue, fille de Workaholic titulaire d’une cinquième place dans un Groupe II. Évangelina Blue est le fruit doré de l’union de deux représentants de la même casaque descendant l’un et l’autre de La Belle Perrine, jument sur laquelle la championne est inbred 5 x 3. On est là au cœur de la famille maternelle de Native Ann (US), celle entre autres des vainqueurs semi-classiques et placés classiques Gazouillis, remarquable étalon, et Prince de Montfort, et du triple lauréat de Groupe I Django Riff.
Concernant Gala Téjy, élevé par Valérie Chalon, née Dreux, et entraîné par son époux Christophe, il n’a pas, au printemps, fait dans la demi-mesure, réalisant un très grand numéro dans le Saint-Léger des Trotteurs, puis remettant le couvert dans le Prix d’Essai. Associé à Paul Ploquin, le fils d’Atlas de Joudes, étalon combinant les gènes des têtes de liste Ready Cash et de Love You à ceux de Slave, possède un pedigree dévoilant aussi dans sa lignée maternelle le nom de la précitée, excellente compétitrice s’étant affirmée comme une matrone, étant ainsi notamment la troisième mère du jeune héros qui nous intéresse et la trisaïeule de l’auteur de celui-ci. Avec donc à la clé un retour 4 x 3 faisant écho à celui 3 x 4 sur Intime (mère de Slave), ayant précédemment participé à la conception d’Unikarânes, fille de Montecatini lauréate de deux Groupes II avec l’homme sur le dos.
GUILLERMO SPORT - Dimanche 23 Juin 2019 - Vincennes
PRIX ALBERT VIEL - G1
Driver : Patrick Joël PASCUAL LAVANCHY - Ent.: Miguel MESTRE SUNER - Prop. : Ecurie BRUNI
Pour sa part, Guillermo Sport, titulaire de quatre succès au niveau des prix de série, a carrément effectué un show dès son apparition parmi le gratin de sa promotion. Ainsi, après avoir fait mouvement dans la montée, c’est avec une supériorité manifeste que le cheval drivé par Patrick Pascual Lavanchy fait la différence dans la ligne d’arrivée du Prix Albert Viel, Groupe I disputé lors de la réunion du « Président », soit le jour du deuxième sacre de Gala Téjy. Côté papier, le cheval de l’Écurie Bruni met lui en en exergue la souche de Goddess, jument sur laquelle il est inbred 4 x 4. Le père de Guillermo Sport, Orlando Sport, trotteur ayant croisé avantageusement le fer avec les meilleurs (cinq succès de Groupe II et des accessits dans les Prix de l’Atlantique et René Ballière), descend en effet de la précitée fille de Seddouk par sa mère, Idéa Josselyn. Tandis que la lignée maternelle du champion en herbe débute avec Quoda Josselyn, dont la génitrice n’est autre que la semi-classique Floda Josselyn, petite-fille de Goddess. Soit un retour sur souche portant aussi la double marque de l’Élevage Bernard.
Ce hat-trick gagnant de l’option « sang maternel sur sang maternel » peut apparaître comme une invitation aux éleveurs à « contrebalancer », dans certains cas, l’omniprésence du jeune sang américain dans notre parc de reproducteurs par des retours sur souche ou sur famille. À chacun d’y réfléchir, avec parallèlement ce qui semble un impératif pour fabriquer des trotteurs de top niveau : unir la qualité à la qualité.
Yves JEAN
Dhikti Védaquais ou la double satisfaction de la famille Guay
Le 18 mai 2016, Dhikti Védaquais survole le Saint-Léger des Trotteurs, alors apanage pour la huitième fois de son mentor Philippe Allaire. En l’occasion, le jeune champion venge son auteur, Thorens Védaquais, présent six ans plus tôt à la Prairie pour affirmer son leadership au sein de la jeune génération au monté, mais déclaré non partant dans le Groupe I caennais après un échauffement non convaincant. La cause : une fêlure à un boulet qui sera décelée dans la foulée. Pour revenir à Dhikti Védaquais, en ce jour de triomphe, il apporte une autre satisfaction à la famille Guay : celle de gagner un Classique avec un trotteur dont le pedigree présente un rappel assez proche sur la matrone de son élevage sarthois, Iluska, jument de souche Veslard. Une combinaison génétique mûrement réfléchie par Jean-François Guay, lequel déclarait dans les colonnes de Province Courses : « Je suis un adepte des inbreedings sur les mères, avec un apport en lignée basse du pedigree. Par le passé, le meilleur exemple a été le retour très positif sur Sa Bourbonnaise. Pour le réaliser avec notre souche, il nous fallait un étalon et nous l’avons eu avec Thorens Védaquais ». Et le pari, car tout croisement est un pari, s’est avéré gagnant. Si bien que ceux qui l’ont fait l’ont retenté. En fabriquant de nouveau un retour sur Iluska, et même plus exactement sur sa fille Bamba de la Chaise, à la fois l’aïeule maternelle de Thorens Védaquais et de Bielsa Védaquaise dont l’union a engendré le prometteur Hudson Védaquais, double vainqueur sous la selle à Vincennes en janvier, qui a par ailleurs la particularité d’être également inbred à quatre rangs sur Workaholic (3 x 4) et Cézio Josselyn (3 x 4), respectivement fils et petit-fils d’un Speedy Crown notamment épaulé dans le tableau du jeune trotteur par l’autre grand chef de race américain, Star’s Pride (5 x 6 x 5).